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L’œuvre immense de Pierre Pelot, érigée jour après jour, depuis cinq décennies, a accédé aujourd'hui à une reconnaissance générale et légitime. Il ne faudrait donc pas la réduire à l’écriture de romans de science-fiction, ou relevant du fantastique, à des romans noirs et plus récemment, à celle de romans de littérature générale et – avec la collaboration scientifique d'Yves Coppens – à des romans situés dans la Préhistoire (Le Rêve de Lucy, Sous le Vent du monde…).
On lui doit aussi des pièces de théâtre, des contes, des pastiches et des parodies de western ou d’heroic-fantasy, des chroniques, des nouvelles, des feuilletons et des adaptations pour la radio ou la télévision. Le champ de l’écriture s’est encore étendu au scénario de film, de bande dessinée, de téléfilm et à la novélisation.
Sans cesser d’être un « raconteur d’histoires », un écrivain « populaire », il est devenu peu à peu un authentique écrivain. La perception de son œuvre a souvent été schématique et restrictive, chaque décennie imposant une image différente.
Les années 1960 sont celles du western et de la série Dylan Stark. Lors de la décennie suivante, Pelot commence à exploiter surtout les trois domaines de la science-fiction, du fantastique et du roman de terroir « vosgien » (sans jamais tomber dans le "régionalisme"). L’écriture de romans noirs, de cycles et séries de science-fiction masque le passage dans la littérature générale au cours des années 1980. La décennie suivante est surtout marquée par la forte série de « paléofiction » écrite avec le concours d’Yves Coppens. Il faut attendre la première décennie du {{s-}} et la parution du chef-d’œuvre C’est ainsi que les hommes vivent pour que l’image de l’écrivain s’impose à tous. Plusieurs romans littéraires parus ensuite confirment les qualités du styliste et du créateur d’un monde original peuplé de personnages forts et inoubliables (en particulier certains personnages féminins).
Après une brève orientation vers l’électricité et une courte expérience dans un atelier de mécanique générale, Pelot veut échapper au sort commun. De 1960 à 1963, il apprend le dessin par correspondance, peint des toiles et se lance dans la bande dessinée, ce qui lui vaudra son premier article de presse en 1963 dans L'Est républicain à propos de sa BD mettant en scène un héros du Far West : Bob Hart. Parce qu'il a envoyé ses quatre albums de 44 planches réalisées, coloriées (et toujours inédites) à Hergé, il reçoit en décembre 1963 la réponse du père de Tintin qui juge ses textes "excellents, drôles, originaux, percutants, souvent d'une allègre violence". En revanche, les dessins sont jugés plus sévèrement. Cette lettre confirme chez Pelot un désir d'écrire déjà fortement présent.
Fort de cette première expérience, nourri de cinéma et d’illustrés, ayant appris énormément sur l'histoire des États-Unis, il se lance dans une carrière littéraire en adoptant son genre de prédilection : le western. Son premier roman, La Piste du Dakota, paru au début de l'année 1966 sous la signature de Pierre Pelot, se déroule dans les États-Unis du lendemain de la guerre de Sécession. Il paraît dans la collection Marabout Junior qui publie également les aventures de Bob Morane (d'Henri Vernes). Sept autres westerns suivent, six romans et un recueil de nouvelles.
En 1967, Pierre Pelot crée le personnage de Dylan Stark, un métis franco-indien né dans le sud des États-Unis. Le premier roman de la série, Quatre Hommes pour l'Enfer, se déroule pendant la guerre de Sécession, à laquelle le personnage participe du côté sudiste, à contrecœur. Cet antihéros, inséré dans un cadre géographique et historique plausible, évolue de 1865 à 1867 dans les années de l’après-guerre et d’une paix précaire. Ce premier volume de la série paraît en 1967 dans la collection Pocket Marabout qui en publiera treize autres. Pelot reçoit cette même année le Prix des Treize pour La Couleur de Dieu (tome 2 du cycle) et se marie le 22 décembre. Son fils Pierre-Dylan naît en 1969. Il se fera connaître sous le pseudonyme de Dylan Pelot avant de disparaître brutalement à l'âge de 43 ans. C'est pour lui qu'il avait écrit en 1977 Les Aventures de Victor Piquelune publiées aux éditions de l'Amitié.
Après l’arrêt brutal de la parution de la série Dylan Stark, Pelot est sans ressources et doit trouver d’autres sources d’inspiration et d’autres éditeurs. Il publie d’autres romans « américains » dans les collections pour la jeunesse : La Drave (1970), L’Unique rebelle (Prix Jeunesse, 1971). Il cache Dylan Stark sous le pseudonyme de "Dan Starken" dans Sierra brûlante (1971, Prix européen de Littérature jeunesse en 1976) et adapte sa {{4e}} bande dessinée inédite (la plus élaborée), pour le roman homonyme La Guerre du Castor (Spirale, G.P., 1971). L’année 1972 est cruciale puisque Pierre Pelot publie en même temps dans trois domaines littéraires : la science-fiction, le fantastique et le roman social contemporain ayant les Vosges pour cadre (Les Étoiles ensevelies, Aiglon d'or au Festival de Nice)
À première vue, l'inspiration de Pierre Pelot se démarque de celle d'autres romanciers pour la jeunesse par le fait que ses romans se terminent souvent mal et que ses personnages ne sont pas des surhommes (contrairement à Bob Morane, par exemple). Plus profondément, Pierre Pelot introduit dans ces collections des personnages et des thèmes jusqu’alors rarement traités. Ainsi dans les collections "Grand Angle" (chez G.P.) et "Les Chemins de l'Amitié"" (aux Éditions de l'Amitié-G.T. Rageot), il évoque la fragilité de l'amitié parfois trahie (Le Pantin immobile), la solitude de la vieillesse (Le Cœur sous la cendre, Grand Prix Européen de Littérature jeunesse, Province de Trente, 1977), la difficulté de la réinsertion sociale (Le Pain perdu), l'intolérance envers la différence et la marginalité (Fou comme l’oiseau), l'hospitalité trahie (Le Renard dans la maison, Prix Jean Macé, 1977). Le Ciel fracassé, paru en 1975, met en scène un déserteur à une époque où le service militaire était encore obligatoire en France. Je suis la mauvaise herbe mettait déjà en scène un marginal, objecteur de conscience.
À partir de 1972 et jusqu'en 1980, Pelot publie des romans fantastiques, de SF et des policiers dans les collections Angoisse, Anticipation et Spécial Police chez Fleuve noir, sous le pseudonyme de Pierre Suragne. Toujours au Fleuve Noir, il récupère le nom de Pierre Pelot pour des séries de science-fiction et d'heroic-fantasy parodique (Konnar le Barbant) et pour quelques romans noirs. Au cours des années 1970, Pierre Pelot s’impose peu à peu comme un maître français de la science-fiction et du fantastique. Il est présent dans les collections J’ai lu, Presses-Pocket, Présence du futur mais aussi Ailleurs et Demains et Dimensions S-F. Coup sur coup, il reçoit le Grand prix de la Science-Fiction française pour Delirium circus et le Grand prix du Festival de Metz pour Transit. Les spécialistes du genre saluent son talent, en particulier dans la revue Fiction. Pelot se consacre à ces paraboles caricaturales de la science-fiction et dénonce, par ce biais, une société policière qui contrôle ses citoyens, en particulier dissidents ou marginaux, tous les exclus du système.
Deux rééditions capitales ont revivifié des ouvrages importants de science-fiction écrits par Pierre Pelot. En 2005, Denoël, sous le titre générique Delirium Circus, réédite le roman éponyme et les trois récits indispensables Transit, Mourir au hasard et La Foudre au ralenti. En 2008, chez Bragelonne, Orages mécaniques réunit Kid Jésus, Le Sourire des crabes et Mais si les papillons trichent, avec une postface éclairante et bien informée de Claude Ecken. Ces deux rééditions majeures ont constitué une invitation à une lecture réactualisée de la science-fiction pelotienne. Ce que font les jeunes universitaires Simon Bréan ou Pierre-Gilles Pélissier, le premier revisitant aussi bien les romans S-F du Fleuve Noir que les titres majeurs des années 1970-80, le second examinant « la décennie des dystopies, utopies et contre-utopies de Pierre Pelot » qui va de L’Enfant qui marchait sur le ciel (1972) à Nos armes sont de miel (1982).
En plus d'ouvrages forts qui mettent en évidence les pièges d'une société manipulée et aliénée, comme La Guerre Olympique, Canyon Street, Les Barreaux de l'Eden ou Les Pieds dans la tête, Pelot livre des récits noirs et vigoureux qui distillent le suspens et le frisson, tels La Nuit sur terre ou La Forêt muette. L'Été en pente douce, en dépit d'un titre génial ensuite copié partout, est d'abord discrètement publié chez Kesselring. Il ne connaîtra un succès mérité qu'après son adaptation cinématographique par Gérard Krawczyk. La décennie 1980 est surtout consacrée au roman noir et aux séries de science-fiction. Pierre Pelot consacre ensuite du temps à des scénarios télévisuels, à la peinture, au théâtre, pour des pièces inédites jouées en 1991 et 1993. Le rythme des publications s'en ressent et se ralentit. Le fait le plus marquant de la dernière décennie du siècle est la longue rédaction très documentée et la publication des cinq tomes du cycle de "paléofiction" Sous le vent du monde, rédigé avec la collaboration scientifique de Yves Coppens. Pelot domine à ce point son sujet qu'il le prolonge dans les deux tomes du cycle Le livre de Ahorn, deux sortes de romans policiers préhistoriques
En 2002, grâce à son ami Philippe Vandooren, son premier éditeur pour Marabout, devenu directeur éditorial chez Dupuis, Pelot renoue avec la bande dessinée et devient le scénariste de la trilogie de science-fiction H.A.N.D., dessinée par Emmanuel Vegliona et publiée dans la collection "Répérages", chez Dupuis. Pelot n'a pas attendu le nouveau siècle pour écrire des romans de littérature générale. Redécouvrant le plaisir de l'écriture manuelle, il est déjà l'auteur de Elle qui ne sait pas dire je et Si loin de Caïn, mais c'est seulement au début des années 2000 qu'on s'aperçoit qu'il est davantage qu'un romancier populaire. En 2003, il publie un roman historique, C'est ainsi que les hommes vivent, Prix Erckmann-Chatrian, Prix de la Feuille d'or-France bleu Sud Lorraine, qui traite de sa région (les Vosges) au {{XVIIe siècle}}. Les critiques sont élogieuses. Alors qu'il a quitté les éditions Denoël où il avait publié en 1993 le très beau roman Ce soir, les souris sont bleues (à redécouvrir) pour les éditions Héloïse d'Ormesson, Pelot publie en 2005 un roman vosgien où se cachent des éléments autobiographiques : Méchamment dimanche (Prix Marcel-Pagnol). La part autobiographique est encore plus forte dans La Montagne des bœufs sauvages, publié par Hoëbeke en 2010.
En 2006, il reçoit le prix Amerigo Vespucci lors du {{17e}} Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges pour son roman L'Ombre des voyageuses. Héloïse d'Ormesson publie encore Les Normales saisonnières en 2007 et Maria en 2011. En 2012, les éditions Omnibus regroupent dans un grand volume de 1247 pages les 5 romans épiques de la saga de l'Homme (romans déjà réédités séparément chez Folio), sous le titre générique Sous le vent du monde. Deux ans plus tard, en 2014, Bragelonne publie l'intégrale numérique des cinq tomes de l'épopée préhistorique.
Des pièces de théâtre sont devenues des romans dont le style a été très travaillé : Les Caïmans sont des gens comme les autres (Denoël, 1996), L'Ange étrange et Marie-McDo (Librairie Arthème Fayard, 2009), Givre noir (éd. La Branche Vendredi, 2012) et La Ville où les morts dansent toute leur vie (Librairie Arthème Fayard, 2012).