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Franquin, André (1924-1997)

Contents


Biographie

Jeunesse étriquée (1924–1944)

Enfance

La maison familiale, rue de la natation à Ixelles où il grandit. André Franquin, né à Etterbeek en Belgique, reste peu de temps dans cette commune de Bruxelles, dont est également originaire Hergé. Lorsqu'il a cinq ans, sa famille déménage dans un autre quartier de la ville. Son père est employé de banque, et accorde une grande importance au sérieux, à tel point que le jeune Franquin éprouve toute son enfance un fort sentiment d'étouffement, et parlera plus tard d'un « énorme besoin de rire qu'[il] ne parvenai[t] pas à combler ». Il dira plus tard que cette frustration fut à l'origine de sa vocation d'amuseur. Il commence à dessiner à l'âge de cinq ans lorsque lui est offert un petit tableau noir. S'il sait qu'il deviendra dessinateur depuis que son père est tombé en admiration devant un de ses dessins à la craie allant jusqu'à le faire photographier par un photographe professionnel, il dessine toutefois peu et jamais de manière constante, se limitant à quelques caricatures de son entourage et à quelques dessins pendant ses cours au collège Saint-Boniface — le même où est allé Hergé quelques années auparavant.

Durant sa jeunesse André Franquin lit les journaux Mickey, Robinson et Hop-là !, les séries Les Aventures de Tintin du belge Hergé, Bicot de Martin Branner, Popeye d'Elzie Crisler Segar, la série Pim, Pam et Poum qui est sa lecture favorite, ainsi que les auteurs américains Alex Raymond, Milton Caniff et surtout George McManus, auteur de La Famille Illico, pour son humour et sa créativité graphique. Le journal humoristique français L'Os à moelle, qui contient peu d'illustrations, va également jouer un rôle dans sa formation. Le jeune Franquin regarde aussi énormément de films américains mettant en scène Laurel et Hardy, Buster Keaton, Harold Lloyd, Mack Sennett et surtout Charlie Chaplin. Les dessins animés de Walt Disney tiennent une place à part : ils vont l'influencer très fortement aussi bien au niveau du graphisme que de l'humour. Tex Avery, qu'il découvrira plus tard aura aussi son importance. Les gags et gestes humoristiques contenus dans ces œuvres permettront à André Franquin d'apprendre à dessiner les mouvements humoristiques. À ses débuts, il copie ouvertement le style de Jijé. Franquin apprécie la peinture, particulièrement celle de Rubens et des peintres primitifs flamands, dont les couleurs utilisées lui plaisent beaucoup. Les romans qu'il préfère dans sa jeunesse sont ceux du Français Jules Verne et Robinson Crusoé de l'Anglais Daniel Defoe.

Formation

En 1942, après ses humanités à l'Institut Saint-Boniface-Parnasse, arrive pour lui le moment de choisir ses études supérieures. Choix dont son père lui a d'ores et déjà épargné l'embarras : le jeune homme sera ingénieur agronome. Mais Franquin a une tout autre idée de son avenir, et il parvient, avec l'aide de sa mère, à infléchir la position paternelle et à s'inscrire à l'école Saint-Luc, une école d'art religieux dont il se lassera pourtant très vite. Il y pratique plusieurs activités comme la technique de la couleur, le dessin au fusain, le dessin à partir de motifs romains ou byzantins, des cours d'hagiographie et le dessin à partir de modèle vivant. La morale stricte qui règne interdit notamment la pratique du nu féminin (il y avait parfois un nu masculin) : à la place, ce sont les étudiants eux-mêmes qui doivent poser à tour de rôle. Pendant la guerre il n'est pas inquiété grâce à son statut d'élève à Saint-Luc qui lui permet d'échapper aux restrictions et surtout au travail obligatoire. À Saint-Luc, Franquin montre déjà une certaine habileté pour le dessin et déclarera plus tard que rien de ce qu'il fit dans cette école ne lui fut « inutile ». Au bout d'un an, il a déjà l'impression « d'avoir fait le tour de ce qu'on pouvait y apprendre » et commence à s'ennuyer. C'est alors qu'il fait une rencontre qui va changer, ou en tout cas accélérer considérablement le cours de sa vie, celle d'Eddy Paape.

Ancien élève de Saint-Luc, Paape y revient régulièrement pour saluer ses anciens professeurs. Lors de l'une de ces visites, on lui présente les dessins de Franquin, et il en est suffisamment impressionné pour proposer au jeune homme de le rejoindre à CBA, le petit atelier de dessin animé où il travaille. Franquin saute sur l'occasion, d'autant plus alléchante que les bombardements poussent de toute façon son école à fermer. En septembre 1944, il devient donc animateur, un métier qu'il n'a jamais pratiqué auparavant, et pour lequel il n'a absolument aucune compétence. Il se retrouve à pratiquer l'animation sans que personne ne lui apprenne les techniques du dessin animé et notamment celle du problème des 12 ou 24 images par seconde.

Mais le problème ne se pose pas longtemps : peu après, la Belgique est libérée de l'occupation allemande, les soldats américains arrivent, apportant avec eux leurs dessins animés. Une concurrence bien trop rude pour le petit studio, qui fait rapidement faillite. L'expérience n'a pour autant pas été sans intérêt pour Franquin, qui y a rencontré deux autres passionnés de dessin qui rêvent à un avenir brillant : Morris (à l'époque encreur et silhouetteur), et le jeune Peyo (gouacheur).

Débuts dans la bande dessinée (1945–1949)

Arrivée chez Dupuis

En 1945, André Franquin est donc au chômage. Il apprend par Morris, qui a déjà publié des dessins humoristiques et des caricatures dans Le Moustique, un magazine de programmes de radio édité par Dupuis, que l'éditeur recherche des dessinateurs pour Spirou. Toute la petite équipe est alors engagée par le journal.

Parallèlement, il publie ses premiers dessins « professionnels » dans la revue des scouts catholiques de Belgique, Plein-Jeu. Franquin n'ayant jamais été scout, il s'inspire de documentations et principalement des illustrations de Pierre Joubert pour les costumes et autres coutumes scouts. Cette collaboration sera fructueuse avec la rencontre du rédacteur en chef, Jean-Jacques Schellens, un homme qui ne cesse de créer des évènements, animations et surprises dans le journal, ce dont s'inspirera plus tard Franquin pour le journal Spirou.

Introduit dans la place par Morris, le futur auteur de Lucky Luke, Franquin réalise pour Le Moustique, entre 1945 et 1952, plusieurs couvertures, ainsi que des gags en une planche et des illustrations à vocation publicitaire, ce qui représente une bonne quarantaine de dessins.

Dès les premières publications, il fait impression avec une très bonne expression des personnages, ainsi qu'une tendance à l'humour noir gentillet (les personnages sont souvent dans des situations fort désagréables, mais cela « passe » grâce au style comique du dessin). Durant cette période, Franquin réalise aussi quelques couvertures au lavis pour l'hebdomadaire Bonnes Soirées, qui permettent de saisir son talent dans le dessin figuratif. Mais l'occasion lui est bientôt donnée de réaliser quelque chose de plus ambitieux, en entrant dans l'équipe du Journal de Spirou.

À l'atelier Jijé

À cette époque, Jijé est le principal dessinateur du journal, c’est-à-dire qu'il réalise seul la quasi-totalité des bandes dessinées maison : Spirou, Valhardi, Don Bosco, Emmanuel… Désireux de se délester d'une partie de ce travail, et sur les conseils de Charles Dupuis, il installe les nouveaux venus dans sa maison à Waterloo, qui leur sert d'atelier. On y retrouve notamment Will, Morris, qui travaille sur un projet de cow-boy créé pour le studio de dessin animé et Franquin, qui reprend Spirou et Fantasio. La petite bande est installée pour dessiner dans la propre chambre à coucher du couple Jijé. Par moment d'autres auteurs passaient dans l'atelier pour recevoir des conseils, c'est le cas notamment de Peyo, le futur auteur des Schtroumpfs.

Franquin commence, début 1946, par dessiner Fantasio et son tank, qui sera publiée en 1947 dans lAlmanach Spirou, recueil de diverses bandes dessinées de dessinateurs de l'équipe Dupuis. Franquin ayant passé ce test avec succès, Jijé abandonne alors la série pour partir en Italie préparer la documentation pour le second Don Bosco. En juin 1946, Franquin reprend alors une histoire à demi dessinée, intitulée Spirou et la maison préfabriquée. La passation, qui a lieu lors de la quatrième case de la huitième page de l'album Radar le robot ({{numéro}} du journal Spirou), est presque indécelable, l'auteur collant au plus près au style caricatural de son prédécesseur, n'hésitant pas à rajouter des cous et des jambes allongés comme Jijé le faisait déjà. Il s'attaque ensuite à l'histoire L'Héritage de Spirou. Le jeune dessinateur reprend la série Spirou avec insouciance, sans avoir jamais rien vu du travail de Rob-Vel (le créateur original du groom roux), et très peu de dessins de Jijé.

S'il apprend sur le tas les techniques de la bande dessinée, Jijé lui enseigne les rudiments de ce qui deviendra plus tard le {{9e}} art. Il va surtout donner confiance au jeune Franquin qui se croyait incapable de faire de la bande dessinée. L'ambiance à l'atelier est excellente pour la productivité. Si Jijé n'a pas une attitude de professeur, il est néanmoins très interventionniste et n'hésite pas à aider au dessin des bandes dessinées de ses élèves. L'exigence de Morris se manifeste aussi : l'auteur de Lucky Luke force ses camarades à mimer les gestes, bagarres ou attitudes pour mieux les dessiner.

En Amérique

En 1948, alors que Franquin vient d'achever l'histoire des Plans du robot, le couple Jijé quitte l'Europe pour les États-Unis, angoissé par l'idée d'une nouvelle guerre contre l'Union Soviétique. Ils emmènent avec eux les jeunes Franquin et Morris. Si ce dernier les quitte pour se faire engager chez Disney, Franquin, lui, accepte de continuer à les accompagner pour être avec ses amis et découvrir Los Angeles, qu'il croit être la plaque tournante de la bande dessinée américaine. Arrivés à New York, ils apprennent que le quota belge d'immigration est largement dépassé ; ils doivent attendre une année pour obtenir un visa d'émigrants. C'est avec un permis de tourisme qu'ils partent pour la Californie à bord d'une vieille Hudson achetée par Jijé et sa famille. En Californie c'est la déception : le jeune Franquin comprend que Chicago et New York sont les villes de la bande dessinée aux États-Unis.

Leur visa étant de courte durée, ils prennent la direction du Mexique, où la réglementation est moins rigoureuse ; Morris et Franquin resteront toutefois bloqués à la frontière pendant deux mois. Ils peuvent par la suite rejoindre Jijé et sa famille à Tijuana en octobre 1948 et s'installent dans une location tout en continuant à dessiner. C'est là que Franquin écrit l'histoire de Spirou sur le ring. Cette bande dessinée où pour la première fois Franquin s'applique à retranscrire fidèlement le mouvement provoque aussi la colère des éditions Dupuis, voyant le héros bien élevé se battre ainsi contre des voyous de la rue. Franquin envoie sa lettre de démission, mais il se ravise rapidement, trouvant un arrangement avec l'éditeur.

Noël 1948 : le petit groupe part pour Mexico, où Jijé et sa famille louent une villa dans la banlieue. Franquin et Morris préfèrent louer une chambre meublée dans la capitale mexicaine. Franquin dessine dans la chambre l'intégralité de l'histoire Spirou fait du cheval ; il a énormément de mal à représenter les chevaux. À court d'argent, les paiements étant compliqués entre le Mexique et la Belgique, les deux auteurs retournent habiter chez Jijé et sa famille jusqu'en juin 1949, Morris et Franquin repartent pour New York. Leurs chemins se séparent à ce moment, Morris restant aux États-Unis alors que Franquin repart pour la Belgique, éprouvant le mal du pays et désireux de retrouver Liliane Servais qui deviendra sa femme{{,}}. Il termine Spirou chez les pygmées, une histoire commencée au Mexique. C'est à partir de cette histoire qu'il commence à mieux utiliser l'espace.

Professionnalisation dans la bande dessinée (1950–1972)

Nouveau souffle pour Spirou et Fantasio

Franquin loue une chambre dans une pension de famille à Bruxelles près de celle de Will. Il se marie en 1950 avec Lilliane qu'il connait depuis ses dix-sept ans. Durant cette période, il dessine trois histoires dont Mystère à la frontière qui marque un tournant dans la série, car c'est à partir de cette histoire qu'il trouve de nouveaux éléments pour relancer en permanence la série, développant les personnages secondaires qui apparaissent au cours des récits qu'il dessine. Jijé rentré lors de l'été 1950, Franquin fait par son intermédiaire une rencontre importante, celle de son frère Henri Gillain connu sous le nom de plume de Jean Darc. C'est lui qui écrit, sur une commande de Franquin qui voulait une histoire campagnarde, le scénario de l'histoire Il y a un sorcier à Champignac qui pour la première fois met en scène le village de Champignac et ses habitants. Franquin adapte à sa guise le scénario initial, beaucoup trop long pour faire une seule histoire de 57 planches. Le comte de Champignac et ses champignons, qui apparaissent dans le texte original d'Henri Gillain sont créés pour cette histoire, ainsi que la ville de Champignac-en-Cambrousse et plusieurs habitants emblématiques, notamment son maire.

Emplacement de la Palombie imaginaire. Publié dans le journal Spirou entre 1951 et 1952, Spirou et les Héritiers met en scène un premier véritable méchant, Zantafio, le cousin maléfique de Fantasio. C'est aussi dans cet album que Franquin démontre son inventivité pour créer toutes sortes d'appareils motorisés comme le Fantacoptère. Mais surtout dans ce récit apparait pour la première fois le marsupilami dans la forêt de Palombie, pays imaginaire inspiré des décors américano-mexicains. Le rythme de publication dans Spirou ne permet pas de pause dans la série Spirou et Fantasio et Franquin doit aussitôt enchainer avec l'histoire Les Voleurs du marsupilami. Jo Almo (nom de plume de Geo Salmon), lui souffle l'idée de base de l'histoire, avec notamment la réutilisation du marsupilami qu'il avait l'intention d'abandonner.

À la fin de l'année 1952 paraît La Corne de rhinocéros. Initialement appelé Spirou et la Turbotraction ; pour la première fois, un personnage féminin apparait dans la série en la personne de la journaliste Seccotine. Il crée aussi la Turbotraction, une automobile avec une turbine remplaçant le moteur usuel. La censure fait son apparition dans cet album, les revolvers que tiennent les bandits dans le grand magasin sont effacés à la gouache blanche par auto-censure des éditions Dupuis pour éviter que l'album ne soit interdit en France. Cet album fera plus tard l'objet d'une autre polémique avec une accusation de racisme selon laquelle les Noirs y seraient présentés comme des êtres inférieurs. Franquin se défendra en disant que ce sont plutôt certains blancs qui passent pour des imbéciles.

À partir de l'été 1953 paraît dans le journal Spirou l'histoire Le Dictateur et le Champignon sur une idée de Maurice Rosy, qu'il développe selon son inspiration. Une nouvelle invention fait son apparition, le métomol, un gaz qui ramollit tous les métaux qu'il touche. C'est aussi dans cette histoire qu'il écrit son premier discours pour le maire de Champignac, inspiré par le caricaturiste Henry Monnier et le journal L'Os à moelle. Les histoires se succèdent sans interruption. Franquin, pour éviter toute lassitude, essaye de changer de genre entre chaque album. C'est ainsi que l'histoire La Mauvaise Tête est un récit policier, le premier de Franquin. Une séquence marque les esprits, celle du cyclisme, où la descente du Mont Pilou par Fantasio est considérée par beaucoup comme un chef-d'œuvre du mouvement en bande dessinée. L'histoire suivante, Le Repaire de la murène, est marquée par le submersible inventé par Franquin, qui est inspiré d'un prototype de sous-marin humide présenté par le journal Science et Vie. C'est la première histoire pour laquelle Franquin écrit d'avance le scénario. Le récit La Quick Super permet à Franquin de dessiner des automobiles et particulièrement la « grosse américaine ». Suit l'histoire Les Pirates du silence avec l'aide de Will et Maurice Rosy : le premier dessine les décors et le second écrit le scénario, que pour la première fois Franquin suit à la lettre. En 1955, Franquin travaille avec Will, qu'il a côtoyé chez Jijé, en faisant la mise en scène de l'histoire Tif et Tondu contre la main blanche de la série Tif et Tondu. L'histoire Le gorille a bonne mine (initialement Le gorille a mauvaise mine, mais les éditions Dupuis craignent que le terme « mauvais » dans le titre d'un album fasse baisser les ventes) vient ensuite ; elle est toutefois publiée en 1956 dans le journal Spirou et c'est l'occasion pour l'auteur de se documenter sérieusement afin de représenter de manière réaliste la faune et la flore africaines, ainsi que la population locale. L'histoire suivante intitulée Le Voyageur du Mésozoïque exploite l'idée de la réapparition d'un dinosaure.

Brouille avec Dupuis

En 1955, Franquin signe un contrat avec les éditions Dupuis pour réaliser un album (Franquin n'a pas de contrat général avec Dupuis, il signe un contrat pour réaliser chaque album). En échange d'une diminution de ses droits, Dupuis lui promet d'augmenter le tirage en contrepartie, or le tirage de l'album ayant été normal, Franquin voit ses revenus diminuer. Il se rend chez les financiers de Dupuis qui refusent d'honorer le contrat ; furieux, Franquin démissionne immédiatement et quitte Dupuis. Il signe peu de temps après un contrat de cinq ans pour les éditions du Lombard qui publient le journal Tintin, grand rival du journal Spirou. Les éditeurs du journal Tintin souhaitent en effet changer l'image de sérieux qui leur est accolée. Franquin crée une série de gags en une planche intitulée Modeste et Pompon. Habitué aux grandes aventures à suivre avec la série Spirou et Fantasio, Franquin en accord avec Raymond Leblanc rédacteur en chef du journal Tintin, opte pour un format d'un gag par planche, jusqu'ici peu utilisé dans la bande dessinée franco-belge. Franquin entend rompre avec son passé du journal Spirou. Les caractères des personnages sont trouvés au fur et à mesure de l'évolution de la série, Franquin n'ayant aucune idée de la façon de les animer quand il présente la série à Tintin.

Peu après l'arrivée de la série dans le {{numéro}} du journal Tintin, Franquin se réconcilie avec Dupuis, par l'intermédiaire de Charles Dupuis qui lui donne raison dans le différend qui l'a opposé aux financiers de la maison d'édition ; il reprend alors les aventures de Spirou et Fantasio, « coincé » désormais entre deux grandes maisons d'édition. Ayant du mal à fournir ses planches pour les deux journaux, il sollicite l'aide de Greg dont il a fait la connaissance lorsqu'il lui a présenté ses planches de jeunesse. Greg écrit de nombreux scénarios pour Modeste et Pompon, plus que Franquin lui-même. Par la suite René Goscinny écrit plusieurs scénarios ; d'autres scénaristes encore participeront ponctuellement à l'occasion de quelques gags : Tibet, Peyo et François Craenhals. Après la parution de deux albums de la série que les éditions du Lombard n'ont pas spécialement mis en avant et qui ont, du coup, rencontré un succès modeste, Franquin est libéré avant la fin de son contrat avec Le Lombard et retourne aux éditions Dupuis. Il cède la propriété des personnages aux éditions du Lombard qui souhaitent continuer avec Dino Attanasio comme auteur.

Atelier Franquin

En 1957, Franquin loue à Bruxelles un petit appartement qui lui servira d'atelier. Il y accueille les jeunes auteurs Jidéhem et Roba qui l'aident à travailler. D'autres auteurs vont passer : Verbruggen, un vieil ami qui colorie les planches de Modeste et Pompon et qui possède sa table dans l'atelier, Marcel Denis, présent dans l'atelier avant l'arrivée de Roba, et Kiko, auteur de Foufi qui dort dans l'atelier pendant plusieurs mois. Les auteurs se retrouvent dans l'atelier pour travailler, soit à leurs séries respectives, soit ensemble sur le même projet. Ainsi Franquin va aider Kiko dans Foufi en réalisant la mise en scène des gags de la série. Roba intègre le studio pour travailler sur la série Spirou et Fantasio publiée dans le journal Spirou de 1958 à 1960 et dans le journal français Le Parisien libéré, afin de faire connaître la série au public français. Auparavant, il travaillait comme chef de création d'une agence publicitaire, sa collaboration avec Franquin lui permet de quitter ce travail pour se consacrer définitivement à la bande dessinée. Les deux histoires produites par le duo, Spirou et les Hommes-bulles, puis Les Petits Formats sont réalisés à égalité par les deux hommes. Franquin, qui n'avait pas l'habitude de travailler en aussi étroite collaboration avec un autre auteur, répartit le travail de sorte qu'il dessine les personnages habituels de la série, les voitures et une petite partie des décors, alors que Roba dessine les personnages inhabituels de la série et le reste des décors. Greg rejoint le duo pour une troisième histoire intitulée Tembo Tabou dont il assure le scénario. Il s'agit là, exceptionnellement, d'une histoire produite par Franquin à contre-cœur.

Jidéhem intègre le studio en 1957 sur les conseils de Charles Dupuis. Auparavant, il collaborait au journal Héroïc-Albums qui lui permit de débuter dans la bande dessinée. À l'arrêt de celui-ci il envoie, sur conseil de Maurice Tillieux, ses planches aux éditions Dupuis qui le redirigent vers le studio Franquin. Premier à intégrer l'atelier d'André Franquin, il récupère dès son arrivée l'illustration de la chronique automobile du journal Spirou qu'assurait jusqu'alors un Franquin débordé par l'ouvrage. Jidéhem l'aide sur la série Gaston en encrant les planches, ainsi que sur certaines histoires de Spirou et Fantasio en réalisant les décors ; cette collaboration des deux hommes dans cette série va commencer avec Le Prisonnier du Bouddha, réalisé sur scénario de Greg.

S'il ne travaille pas au studio Franquin, Greg est un membre important de l'équipe Franquin de cette époque. Les deux hommes se sont rencontrés à la fin des années 1950, alors que Greg n'était qu'un jeune dessinateur et pendant plusieurs mois Franquin l'initie au dessin lors de séances de travail. Après une première collaboration sur la série Modeste et Pompon, l'association sera reconduite pour plusieurs autres aventures de la série Spirou et Fantasio. Le talent de Greg pour les situations cocasses est l'occasion d'histoires délirantes, dont La Peur au bout du fil, courte histoire de treize planches, est un parfait exemple. Avec cette collaboration, Franquin franchit un pas de plus vers le comique absurde, un domaine nouveau pour lui. En effet, dans les aventures précédentes, malgré toutes ses trouvailles et inventions, les scénarios restaient toujours vraisemblables et bâtis sur des intrigues classiques peuplées de trafiquants, voleurs et malfrats divers.

Pour l'histoire Z comme Zorglub, la troisième de l'année 1961, Franquin souhaite d'abord être son propre scénariste, mais, après avoir inventé le personnage de Zorglub et développé une ébauche d'histoire, il fait de nouveau appel à Greg pour donner de la consistance à son histoire. Greg ajoute un côté mégalomane au personnage, c'est l'invention de la Zorglangue et des Zorglhommes. Cette histoire montre aussi la passion de Franquin pour les inventions mécaniques, dessinant d'improbables véhicules de science-fiction pour l'armée de Zorglub. L'histoire suivante intitulée L'Ombre du Z est la suite directe de l'histoire précédente. Greg souhaite remettre en scène immédiatement le personnage de Zorglub, cette fois manipulé par le mauvais Zantafio déjà apparu auparavant dans la série.

Dans les années 1950, parallèlement aux aventures de Spirou et Fantasio, André Franquin dessine de temps en temps (à l'occasion de numéros spéciaux du journal Spirou, pour Pâques ou Noël par exemple) des aventures courtes destinées à un tout jeune public. Le Petit Noël, personnage apparaissant plusieurs fois dans ces histoires (parfois avec le Marsupilami), est un petit garçon solitaire errant désespérément dans les rues de Champignac-en-Cambrousse en quête de distraction ou d'une rencontre agréable. Apparu pour la première fois dans le numéro de Noël 1957, il représente l'une des expressions les plus poétiques de Franquin, tout particulièrement dans Noël et l'Élaoin, publié en mini-récit en 1959 dans le journal Spirou. Appréciant ce personnage, son auteur va néanmoins s'en lasser très vite au début des années 1960, prenant conscience que son personnage n'est ressorti par l'éditeur que pendant la période de Noël comme une caution « gentillesse » pour le journal Spirou.

Et Franquin créa Lagaffe

Gaston]]. En 1957, André Franquin a l'idée de créer dans le journal Spirou un personnage sans emploi, qui animerait le journal par ses gaffes. Après avoir travaillé avec Yvan Delporte, le rédacteur en chef de l'époque, le personnage est lancé dans le {{numéro}} du {{Date}}. Il s'appelle Gaston Lagaffe et comme prévu, il sabote le journal avec ses gaffes qui paraissent dans les pages du journal sous forme de petits dessins entourés de traces de pas bleues, pour créer le graphisme du personnage il s'inspire d'une bande dessinée mexicaine et de Barney Google and Snuffy Smith, une bande dessinée américaine, pour la tête de Gaston Lagaffe. Très rapidement, Franquin tourne en rond avec Gaston et il décide de le mettre dans une bande dessinée qui parait sous forme de deux bandes en bas de page du journal. La série est publiée sous cette forme jusqu'en 1959. Malgré la réticence des services commerciaux des éditions Dupuis sur l'exploration de ce personnage, un premier album parait en 1960 sous format à l'italienne sur des chutes de papier.

À partir du {{Date}}, la série va occuper une demi-planche du journal Spirou, preuve de son succès auprès des lecteurs. Pour réaliser le gag hebdomadaire, Franquin est aidé par le jeune Jidéhem qui a rejoint son studio. Il était prévu que par la suite ce dernier récupère seul la série, mais il n'aimait pas trop les gags, de plus Franquin estimait que sa façon de dessiner avec un trait raide n'était pas adaptée pour le personnage mou qu'est Gaston Lagaffe. Ce qui n'empêche pas André Franquin de confier les décors et l'encrage de la série à son jeune assistant.

Dans Gaston, Franquin met en place un mécanisme de gag qui fait que le déroulement du récit est tout aussi important que la chute parfois simple. Pour construire son gag il peut aussi bien partir d'une idée de chute et construire l'ensemble de la planche jusqu'au dénouement, que d'une idée sur le déroulement et ainsi trouver une chute presque par obligation pour qu'elle arrive comme une cerise sur un gâteau.

Loin des contraintes du héros Spirou, Gaston permet à Franquin d'exprimer toute une part de sa personnalité : la paresse (jusque dans le dessin mou du personnage, qui, de son propre aveu, le repose énormément), l'insoumission à l'autorité et même un certain côté subversif : ainsi la gaffe {{Numéro}} (Spirou {{Numéro}}) représente Gaston désagrégeant une colonne militaire avec un sac de noix : un bon exemple du mépris de Franquin pour tout ce qui est militaire.

Dépression

Au tout début des années 1960, André Franquin entreprend une nouvelle aventure autour de Zorglub, mais devant le refus de l'éditeur, il laisse Greg reprendre en main le scénario. L'album qui en résulte, QRN sur Bretzelburg (initialement QRM sur Bretzelburg), est le Spirou et Fantasio de trop pour André Franquin : en 1961, il craque, vaincu par une impression tenace de « tourner en rond ». La dépression, doublée d'une hépatite virale, l'empêchera de dessiner pendant plus d'un an, à la notable exception des gags de Gaston (la parution de l'histoire doit être interrompue jusqu'en 1963). C'est à partir de la page dix-neuf que les choses vont se compliquer pour Franquin, au moment de représenter l'intérieur du palais du Royaume du Bretzelburg, notamment les meubles, il ne se sent plus capable de réaliser un décor graphiquement intéressant. Pourtant l'album est considéré par beaucoup comme un chef-d'œuvre absolu. En effet, son auteur y atteint un niveau graphique qu'on ne lui a encore jamais vu, et le scénario, qui plonge Spirou et Fantasio dans une caricature de régime totalitaire, est l'occasion pour lui de donner libre cours à ses penchants antimilitaristes. Paradoxalement, aucun personnage de l'univers habituel de Franquin n'intervient, le monde de Spirou étant réduit au minimum avec Fantasio, Spip et le Marsupilami.

La publication de cette histoire dans Spirou va être très perturbée. D'abord interrompue pendant seize mois, la publication reprend dans le journal à partir du 11 avril 1963 sous forme d'une demi-planche. Durant cette période il continue de travailler sur la série Gaston qui devient l'axe central de son travail. En 1965, il dessine même une histoire de Spirou et Fantasio intitulée Bravo les Brothers qui se déroule entièrement dans l'univers de Gaston. Cette non-aventure est une des seules de la série que Franquin appréciera. En 1967, il dessine sa dernière aventure de Spirou et Fantasio avec pour peaufiner le scénario l'aide de son ami Peyo et de Gos assistant de ce dernier, avec qui il passe un accord : Peyo et Gos l'aident et il leur rend la pareille pour l'histoire Les Schtroumpfs et le Cracoucass ou il participe au scénario, dessine l'oiseau et trouve aussi son nom.

Depuis presque vingt ans qu'il travaille sur Spirou et Fantasio, Franquin a l'impression que cette série ne lui appartient pas et devient une véritable contrainte pour lui. Convaincu par Charles Dupuis de faire une dernière histoire, il va en profiter pour ressortir son idée du retour de Zorglub refusé par l'éditeur six ans auparavant. Avec cette courte histoire de trente-sept planches, Franquin va « détruire » la série en ridiculisant Zorglub, retombé à l'état de bébé, et affublant les trois personnages principaux Spirou, Fantasio et le comte de Champignac de tabliers et donnant le biberon à ce grand enfant. Il lâche la série à la fin de cette histoire en cédant tous les personnages qu'il a créés dans le cadre de la série à son éditeur, sauf le Marsupilami. Néanmoins, il va prodiguer des conseils à son successeur Jean-Claude Fournier et accepter de dessiner le Marsupilami pour une dernière apparition dans la série.

Gaston à temps plein

À partir de 1968, Franquin, qui a abandonné la série Spirou et Fantasio, se consacre pleinement — et uniquement — à Gaston, produisant des gags en une planche. Dans le même temps, les personnages de Spirou et Fantasio disparaissent de cette série. En effet, pour lui, un personnage de bande dessinée ne peut pas apparaître en même temps dessiné par deux dessinateurs différents. C'est donc Léon Prunelle (en remplacement de Fantasio) qui deviendra le souffre-douleur attitré de Gaston, et ce, jusqu'à la fin de la série. C'est durant cette période que Franquin et Jidéhem arrêtent leur collaboration, ce dernier se consacrant désormais à sa propre série intitulée Sophie. Lorsque Franquin récupère seul la série, cela fait désormais des années qu'il ne s'est plus occupé des décors d'une planche. À cause de multiples tâches, il a dû déléguer cette partie de son travail et la réadaptation est difficile. Chez Franquin désormais, le décor fait partie du gag puisque de petits détails qui amusent le lecteur y sont incorporés.

L'univers définitif de Gaston se met en place durant cette période. Le Gaffophone, instrument de musique inspiré d'une harpe africaine, apparaît quelques mois plus tard. Prévu pour deux ou trois gags, il va devenir récurrent dans l'univers de la série. Des personnages apparus très secondairement vont devenir beaucoup plus importants comme le dessinateur Yves Lebrac, l'agent de police Longtarin et surtout Mademoiselle Jeanne dont les sentiments pour Gaston Lagaffe ne sont plus cachés. Un peu plus tard, c'est le chat fou et la mouette rieuse qui intègrent l'univers de Gaston et rejoignent la grande ménagerie de la série déjà bien fournie.

En 1972, la signature de l'auteur présent en bas de chaque planche fait désormais partie du gag. Elle est adaptée à partir de la planche {{numéro}} pour en sortir un gag supplémentaire dans le thème de la planche. Pour Franquin, cet empilement de gags est la preuve de sa peur de ne pas faire rire le lecteur et il se sent obligé d'en rajouter plusieurs pour donner en plus du plaisir lors des relectures. Ainsi, d'autres gags en arrière-plan reviennent régulièrement dans les planches de la série comme le petit chien perdu, ou encore des fausses marques, ou fausses enseignes, écrites sous forme de jeux de mots, visibles dans la rue.

Nouveaux projets (1972–1983)

Franquin scénariste

Écrivant depuis longtemps les histoires qu'il dessine, il devient ainsi très naturellement scénariste, sa première expérience dans ce domaine est avec la série Isabelle, créée en 1972 par Will au dessin, Yvan Delporte et Raymond Macherot au scénario. Franquin rejoint l'équipe en 1975 après le départ de Raymond Macherot, tombé gravement malade. Le trio se retrouve dans la maison de Will, pour discuter, échanger des idées et élaborer une histoire. Ensuite Franquin confie ses notes à Yvan Delporte qui se charge de mettre en place les dialogues et de rajouter des calembours. Les aventures d'Isabelle se déroulent à l'origine dans un univers poétique, mais avec l'arrivée de Franquin le fantastique va devenir de mise avec la création de plusieurs mondes peuplés de monstres et de sorcières. Il collabore sur les albums trois à sept.

Franquin exerce ensuite à nouveau le rôle de scénariste aux côtés d'Yvan Delporte et du dessinateur Frédéric Jannin, alors débutant, pour Les Démêlés d'Arnest Ringard et d'Augraphie, en 1978. Il s'agissait d'un vieux projet dormant dans les tiroirs et contant les aventures d'un jardinier tentant par tous les moyens de se débarrasser d'une taupe envahissante. Cette idée, qu'il veut exploiter depuis longtemps sans jamais en avoir eu le courage, lui vient de son enfance lorsque son grand-père chassait les taupes de son potager. Franquin a même dessiné depuis longtemps les deux personnages de la série. À la disparition du Trombone illustré, il embarque, avec Yvan Delporte, le jeune dessinateur Frédéric Jannin sur le projet. La première histoire est publiée en avril 1978 ; suivront plusieurs autres récits complets, ainsi qu'un album en 1981. Le fait qu'il soit publié avec une couverture souple et non cartonnée est une preuve pour le trio que les services commerciaux des éditions Dupuis ne croient guère en la série et ils décident de ne pas continuer. En 1990, un nouveau rédacteur en chef arrive à Spirou, supprime la série de Frédéric Jannin, Germain et nous… et relance l'ancienne série — Les Démêlés d'Arnest Ringard et d'Augraphie — avec le même trio pour un come-back de courte durée.

Aventure du Trombone illustré

En 1977, on voit apparaître au centre du journal Spirou un curieux supplément de huit pages appelé Le Trombone illustré. L'idée est d'André Franquin qui commence alors à s'ennuyer après plus de trente ans de publication dans Spirou, toujours sur les mêmes thèmes consensuels et le même style graphique. Par fidélité il refuse de quitter Spirou et tente alors avec l'aide de son ami Yvan Delporte de changer les choses de l'intérieur en créant un suppléant de Spirou qui aborde un ton impertinent. Le directeur du journal, Charles Dupuis, qui ne peut dire non à André Franquin, accepte, bien qu'il souhaite plutôt un journal poétique. Ils obtiennent aussi une totale indépendance par rapport au rédacteur en chef et l'éditeur du journal.

Le {{date}}, le premier numéro du Trombone illustré est intégré dans le {{numéro}} du journal Spirou. André Franquin y crée sa série intitulée Idées noires, il dessine aussi vingt-six des trente titres du journal qui chacun racontent une histoire. C'est énormément de travail puisque chaque titre est différent même si les personnages l'entourant reviennent toutes les semaines, dont notamment un évêque qui ne plait pas à Charles Dupuis. Après la censure d'un gag de Germain et nous… de Frédéric Jannin, l'équipe met fin à l'aventure au bout de trente numéros, après une ultime parution le 20 octobre 1977.

« Période noire »

En 1977, dans Le Trombone illustré, André Franquin entame une nouvelle série, les Idées noires, qui représente une rupture radicale avec tous ses travaux antérieurs. Lassé des conventions de la bande dessinée franco-belge, il s'y exprime d'une façon nouvelle, toujours drôle mais beaucoup plus agressive. Dans un dessin à détails en noir et blanc, avec un emploi massif d'aplats noirs, André Franquin dénonce avec férocité les aspects sordides de notre société. Ses cibles favorites sont les profiteurs, les chasseurs, les militaires, les présomptueux, la société polluante, le spectacle, la religion, et peut-être aussi l'espèce humaine en général. À l'image du dessin, l'humour est très noir, les personnages meurent souvent. L'ensemble crée une sensation cauchemardesque, évoquant un univers où la clarté n'existe plus. Après la fin du Trombone illustré, les Idées noires continuent dans le journal Fluide glacial, dirigé par Gotlib, admirateur et ami de Franquin. Une soixantaine de planches seront ainsi publiées, avant d'être éditées en album en 1981. Franquin ne contribue au journal Fluide glacial qu'avec les Idées noires. Quelques planches et courts récits en collaboration avec Gotlib paraissent, mettant notamment en scène un chat nommé Slowburn (un album pirate sortira par la suite), une fable titrée Le pétomane et le renard ou encore une mouche qui repeint son plafond.

Avant les Idées noires, il y eut les monstres de Franquin. Publiée presque anonymement dans des fanzines de bande dessinée tirés parfois à simplement quelques centaines d'exemplaires. Il s'agit de monstres de cauchemars qu'André Franquin a pris l'habitude de griffonner pendant les réunions professionnelles où il s'ennuie. Dans les années 1970, René Goscinny, scénariste dAstérix, lui propose de mettre ses monstres dans une série qu'il scénarisera et de la publier dans le journal Pilote qu'il dirige, mais Franquin n'ose pas franchir le pas. En 1977, lors du festival de la bande dessinée d'Angoulême, il assiste à un film, composé d'un montage de l'intégralité de ses monstres, qui s'intitule Cauchemar noir et se laisse convaincre par trois jeunes apprentis éditeurs de publier un recueil intitulé Cauchemarrant. Dans le même esprit, une planche réalisée pour Amnesty International et présentant un Gaston Lagaffe torturé par des militaires totalitaires paraîtra en 1979.

Un Gaston plus politique

Si durant cette période André Franquin multiplie les projets, il n'en oublie pas sa série principale Gaston qui connait malgré tout une baisse de production. Avec tous ses projets Franquin est très occupé et prend des libertés avec le gag traditionnel en une planche pour revenir aux débuts de la série en dessinant de nouveau des demi-planches et des dessins-gags selon son inspiration. D'autre part il est mécontent du contenu, trop militaire à son goût, de la direction du journal, et il n'hésite pas à le montrer dans les gags de la série. Pour augmenter le rythme de parution le rédacteur en chef de Spirou a une astuce, faire paraître chaque semaine où Franquin n'aura pas fourni un nouveau gag, une ancienne planche de la série, dans une rubrique intitulée Le coin des classiques. Comme il déteste revoir ses anciens dessins, estimant que « le dessin a vieilli », il est obligé de fournir le plus régulièrement possible un gag pour le journal.

Durant cette période Franquin dessine un Gaston Lagaffe plus adulte, sa relation avec Mademoiselle Jeanne devient sérieuse tout en restant néanmoins platonique. À travers son personnage, il s'engage dans des combats politiques comme l'écologie, la sauvegarde des baleines, contre les armements et contre l'injustice en général. Franquin va d'ailleurs mettre son personnage au service de Greenpeace, l'Unicef et Amnesty International. Au travers de Gaston Lagaffe, il montre une aversion aux parcmètres, qu'il qualifie de mange-fric inesthétique, au point de mener une guerre contre eux que les lecteurs ne vont pas hésiter à suivre en menant des actions rapportées à l'auteur. En 1982, Franquin fait une nouvelle déprime et stoppe ses différents travaux, aussi bien Gaston que les Idées noires.

Demi-retraite agitée (1984–1997)

Retour du Marsupilami

En 1984, Franquin sort de deux années de dépression qui ont interrompu tous ses projets. Il est remotivé par une rencontre avec des enfants de onze à quatorze ans lors du festival de bande dessinée d'Angoulême qui lui ont raconté d'anciens gags de Gaston : Franquin prend conscience du plaisir qu'il donne à ses lecteurs. Il se remet à dessiner Gaston, même si l'énergie n'est plus aussi facile à trouver qu'autrefois.

En 1987, c'est le retour fracassant d'une de ses créations, le Marsupilami. André Franquin l'avait gardé pour lui lors du passage de relais de la série Spirou et Fantasio, mais n'avait jamais eu le courage de l'exploiter, autrement que par des gags ou des histoires courtes publiées occasionnellement. Convaincu par Jean-François Moyersoen, un entrepreneur qui adore son œuvre, il lui vend les droits du personnage afin qu'il soit exploité dans sa propre série, dans sa maison d'édition intitulée Marsu Productions. Pour l'occasion il s'associe de nouveau avec Greg qui lui écrit un scénario, quant au dessin il est assuré par Franquin assisté d'un jeune dessinateur travaillant dans la société gérant les droits des produits dérivés chez Dupuis, qui prend le pseudonyme de Batem. Greg va écrire le scénario des deux premiers albums, et Franquin va confier le scénario à Yann pour le troisième album. C'est aussi à partir de cet album que Franquin va prendre du recul par rapport à la série, estimant que Batem, qu'il a formé, est assez mûr pour assurer seul le graphisme. Il va se contenter d'un rôle de metteur en scène, proposant des idées pour le scénario et orchestrant le duo. Pour cette série, il réutilise des personnages créés auparavant pour divers travaux comme Bring M. Backalive, le chasseur de Marsupilami apparu en 1978 dans Gaston et le Marsupilami, un album fait à regret composé de planches inédites et de réédition de courts récits parus dans Spirou des années auparavant. Autre personnage de Franquin réutilisé pour cette série, Noé et son trio de singe créés dans l'histoire Bravo les Brothers.

Les Tifous

Univers enfantin créé de toutes pièces par Franquin pour une série animée, Les Tifous représentent une anecdote dans son œuvre, mais ils auront pourtant une importance énorme pour lui. Il réalise en effet pour ce projet une masse colossale de travail, au point de perdre peu à peu le contact avec Gaston, dont la parution devient irrégulière. Trois années durant, Franquin travaille avec acharnement, réalisant des milliers de dessins qui donneront lieu à 78 épisodes de dessin animé de cinq minutes chacun, diffusés à la télévision en 1990. Pour le scénario il est aidé par son vieux complice Yvan Delporte, ainsi que par le duo Xavier Fauche et Jean Léturgie. Mais le succès n'est pas à la hauteur de l'investissement : victimes d'un budget étriqué, les Tifous ne durent guère et sont rapidement oubliés du public. Il n'en reste qu'un album paru en 1990 : Les Tifous, chez Dessis Éditeur. Gaston paye cher cette tentative d'incursion dans le monde du dessin animé : ayant perdu le rythme nécessaire à la production d'un gag hebdomadaire, Franquin abandonne finalement son héros favori, dont la dernière gaffe, la {{Numéro}}, paraît dans le Spirou {{Numéro}} du 26 juin 1991.

Dernières années

En 1992, Franquin cède à Marsu Productions ses droits sur une grande partie de son travail, dont Gaston, ses monstres, et les Idées noires. Il ne cesse pourtant pas tout travail, et raconte lors d'interviews à quel point il aime encore dessiner. Reconnu comme l'un des très grands de la bande dessinée, il est décoré en 1991 de l'ordre de Léopold, la plus importante décoration honorifique belge. En 1994, Marsu Productions vend les droits d'adaptation du Marsupilami à Disney qui en fait un dessin animé {{pas clair}}. Il retrouve en 1996 les feux de l'actualité, à l'occasion de la parution de l'album {{Numéro}} de Gaston, attendu depuis dix ans par ses fans. L'album est un immense succès : 650000 exemplaires en sont écoulés en moins de six semaines. Cet album sera le dernier : le {{Date}}, André Franquin meurt d'un infarctus, à Saint-Laurent-du-Var, près de Nice, dans les Alpes-Maritimes.

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