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Lucien Auguste Camus, père d'Albert, est né le 28 novembre 1885 à Ouled-Fayet dans le département d'Alger, en Algérie. Il descend des premiers arrivants français dans cette colonie annexée à la France en 1834 et départementalisée en 1848. Un grand-père, Claude Camus, né en 1809, venait du bordelais, un bisaïeul, Mathieu Juste Cormery, d'Ardèche, mais la famille se croit d'origine alsacienne. Lucien Camus travaille comme caviste dans un domaine viticole, nommé « le Chapeau du gendarme », près de Dréan, à quelques kilomètres au sud de Bône (Annaba) dans le département de Constantine, pour un négociant de vin d'Alger. Il épouse le 13 novembre 1909 à Alger (acte de mariage {{numéro}}) Catherine Hélène Sintès, née à Birkhadem le 5 novembre 1882, dont la famille est originaire de Minorque en Espagne. Trois ans plus tard, en 1911, naît leur fils aîné Lucien Jean Étienne et en novembre 1913, leur second fils, Albert. Lucien Auguste Camus est mobilisé comme {{2e}} classe dans le {{1er}} régiment de zouaves en septembre 1914. Atteint à la tête par un éclat d'obus qui l'a rendu aveugle, il est évacué sur l'école du Sacré-Cœur, de Saint-Brieuc, transformée en hôpital auxiliaire, et il meurt moins d'une semaine après, le 11 octobre 1914. De son père, Camus ne connaîtra que quelques photographies et une anecdote significative : son dégoût devant le spectacle d'une exécution capitale. Sa mère est en partie sourde et ne sait ni lire ni écrire : elle ne comprend un interlocuteur qu'en lisant sur ses lèvres. Avant même le départ de son mari à l'armée elle s'était installée avec ses enfants chez sa mère et ses deux frères, Étienne, sourd-muet, qui travaille comme tonnelier, et Joseph, rue de Lyon à Belcourt, un quartier populaire d'Alger. Elle y connaît une brève liaison à laquelle s'oppose son frère Étienne.
{{Citation}}, écrira Camus dans un brouillon de L'Envers et l'endroit.
Albert Camus est influencé par son oncle, Gustave Acault, chez qui il effectue de longs séjours. Anarchiste, Acault est aussi voltairien. De plus, il fréquente les loges des francs-maçons. Boucher de métier, c'est un homme cultivé. Il aide son neveu à subvenir à ses besoins et lui fournit une bibliothèque riche et éclectique.
Albert Camus fait ses études à Alger. À l'école communale, il est remarqué en 1923 par son instituteur, Louis Germain, qui lui donne des leçons gratuites et l'inscrit en 1924 sur la liste des candidats aux bourses, malgré la défiance de sa grand-mère qui souhaitait qu'il gagnât sa vie au plus tôt. Ancien combattant de la Première Guerre mondiale, où est mort le père du futur philosophe, Louis Germain lit à ses élèves Les Croix de bois de Roland Dorgelès, dont les extraits émeuvent beaucoup le petit Albert, qui y découvre l'horreur de la guerre. Camus gardera une grande reconnaissance à Louis Germain et lui dédiera son discours de prix Nobel. Reçu au lycée Bugeaud (désormais lycée Émir Abd el-Kader), Albert Camus y est demi-pensionnaire. {{Citation}}, se souviendra-t-il. Il commence à cette époque à pratiquer le football et se fait une réputation de gardien de but. Il découvre également la philosophie. Mais, à la suite d'inquiétants crachements de sang, les médecins diagnostiquent en décembre 1930 une tuberculose et il doit faire un bref séjour à l'hôpital Mustapha, évoquant cette expérience dans son premier essai d'écriture, L’Hôpital du quartier pauvre qui remonte vraisemblablement à 1933. C'est la fin de sa passion pour le football, et il ne peut plus qu'étudier à temps partiel. Son oncle et sa tante Acault, qui tiennent une boucherie dans la rue Michelet, l'hébergent ensuite, rue du Languedoc, où il peut disposer d'une chambre. Camus est alors encouragé dans sa vocation d'écrivain par Jean Grenier {{incise}}. Il resta toujours fidèle au milieu ouvrier et pauvre qui fut longtemps le sien, et son œuvre accorde une réelle place aux travailleurs et à leurs tourments.
En juin 1934, il épouse Simone Hié (1914-1970), starlette algéroise enlevée à son ami Max-Pol Fouchet : {{Citation}}. Toxicomane, elle le trompe souvent et leur mariage s'effrite rapidement. En 1935, il adhère au Parti communiste algérien (PCA) qui, alors anticolonialiste et tourné vers la défense des opprimés, incarne certaines de ses propres convictions.
La même année, il commence l'écriture de L'Envers et l'Endroit, qui sera publié deux ans plus tard par Edmond Charlot dans la librairie duquel se retrouvent les jeunes écrivains algérois, tel Max-Pol Fouchet. En 1936, Camus fonde et dirige sous l'égide du parti le « Théâtre du Travail », mais la direction du PCA infléchit sa ligne et donne la primauté à la stratégie de l’assimilation et à la souveraineté française. Les militants sont alors poursuivis et emprisonnés. Camus, qui s’accommode mal du cynisme et de la stratégie idéologique, proteste alors contre ce retournement et {{incise}} se fait exclure en 1937. À la rentrée qui suit cette rupture définitive, ne pouvant se résoudre à un théâtre strictement engagé qui ne porte pas la liberté de l'artiste, il crée, avec les amis qui l'ont suivi, le « Théâtre de l'Équipe », avec l'ambition de faire un théâtre populaire.
La première pièce jouée est une adaptation de la nouvelle Le Temps du mépris (1935) de André Malraux, dont les répétitions lui donnent l'occasion de nouer une amitié avec Emmanuel Roblès. Dans le même temps, il quitte le Parti communiste français, auquel il avait adhéré deux ans plus tôt. Il entre au journal créé par Pascal Pia, Alger Républicain, organe du Front populaire, où il devient rédacteur en chef. Son enquête Misère de la Kabylie (juin 1939) aura un écho retentissant. Invité peu après à une projection privée du film Sierra de Teruel que Malraux avait tiré de son roman L'Espoir, Camus lui dit avoir lu L'Espoir huit fois.
En 1940, le Gouvernement général de l'Algérie interdit le journal. Cette même année, Camus se marie avec Francine Faure, sœur de Christiane Faure. Ils s'installent à Paris où il travaille comme secrétaire de rédaction à Paris-Soir sous l'égide de Pascal Pia. Il fonde aussi la revue Rivage. Malraux, alors lecteur chez Gallimard, entre en correspondance avec Camus et « se révèle lecteur méticuleux, bienveillant, passionné de L'Étranger » et il en recommande la publication. Le livre paraît en 1942, en même temps que l'essai Le Mythe de Sisyphe (1942), dans lequel Camus expose sa philosophie. Selon sa propre classification, ces œuvres appartiennent au cycle de l'absurde — cycle qu'il complétera par les pièces de théâtre Le Malentendu et Caligula (1944). Il est à noter qu'Albert Camus vint soigner sa tuberculose dans le village du Chambon-sur-Lignon en 1942-1943 et put y observer la résistance non-violente à l'holocauste mise en œuvre par la population. Il y écrivit Le Malentendu, y trouva des éléments d'inspiration pour son roman La Peste auquel il travailla sur place. En 1943, il devient lecteur chez Gallimard et prend la direction de Combat lorsque Pascal Pia est appelé à d'autres fonctions dans la Résistance. En 1944, il rencontre André Gide et un peu plus tard Jean-Paul Sartre, avec qui il se lie d'amitié ; la même année (19 mars) il anime la première représentation de la pièce de Picasso : Le Désir attrapé par la Queue, cette scène est racontée avec humour par Claude Simon dans Le Jardin des Plantes. Le {{date}}, il est le seul intellectuel occidental à dénoncer l'usage de la bombe atomique, deux jours après le bombardement d'Hiroshima, dans un éditorial resté célèbre publié par Combat.
En 1945, à l'initiative de François Mauriac, il signe une pétition demandant au général de Gaulle la grâce de Robert Brasillach, personnalité intellectuelle connue pour son activité collaborationniste pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1946, Camus se lie d'amitié avec René Char. Il part la même année aux États-Unis et, de retour en France, il publie une série d'articles contre l'expansionnisme soviétique — qui deviendra manifeste en 1948, avec le coup de Prague et l'anathème lancé contre Tito. En 1947, c'est le succès littéraire avec le roman La Peste, suivi deux ans plus tard, en 1949, par la pièce de théâtre Les Justes.
Méfiant à l'égard des idéologies, {{citation}} En octobre 1951, la publication de L'Homme révolté efface toute ambiguïté sur ses positions à l'égard du régime communiste : {{citation bloc}}
Ces positions provoquent de violentes polémiques et Camus est attaqué par ses amis. La rupture avec Jean-Paul Sartre a lieu en 1952, après la publication dans Les Temps modernes de l'article de Francis Jeanson qui reproche à la révolte de Camus d'être « délibérément statique ». En outre, il proteste contre la répression sanglante des révoltes de Berlin-Est (juin 1953) et contre l'intervention soviétique à Budapest (octobre-novembre 1956).
En 1954, Camus s'installe dans son appartement parisien du 4, rue de Chanaleilles. Dans le même immeuble et durant la même période, habite René Char, poète et résistant français.
En 1956, il publie La Chute, livre pessimiste dans lequel il s'en prend à l'existentialisme sans pour autant s'épargner lui-même {{refnec}}.
La même année, il lance à Alger L'Appel pour une Trêve Civile, tandis que dehors sont proférées à son encontre des menaces de mort. Son plaidoyer pacifique pour une solution équitable du conflit est alors très mal compris, ce qui lui vaudra de rester méconnu de son vivant par ses compatriotes pieds-noirs en Algérie puis, après l'indépendance, par les Algériens qui lui ont reproché de ne pas avoir milité pour cette indépendance. Haï par les défenseurs du colonialisme français, il sera forcé de partir d'Alger sous protection.
Il démissionne de l'Unesco pour protester contre l'admission de l'Espagne franquiste. C'est un an plus tard, le {{date}}, que le prix Nobel de littérature lui est décerné. Interrogé à Stockholm, par un étudiant originaire d'Algérie, sur le caractère juste de la lutte pour l'indépendance menée par le FLN en dépit des attentats frappant les civils, il répond selon Dominique Birman, journaliste du Monde qui assiste à la scène : {{Citation}}. Le traducteur C.G. Bjurström, lui aussi témoin de l'échange, rapporte beaucoup plus tard une version un peu différente : {{citation}}. Souvent déformée en {{citation}}, cette réponse lui sera reprochée. Elle s'insère pourtant de façon cohérente dans l'œuvre de Camus, qui a toujours rejeté l'idée machiavélienne selon laquelle « tous les moyens sont bons » : c’est tout le sujet développé, par exemple, dans Les Justes.
Préférant une formule d'association, Albert Camus était contre l'indépendance de l'Algérie et écrivit en 1958 dans la dernière de ses Chroniques Algériennes que {{Citation}}. Il dénonça néanmoins l'injustice faite aux musulmans d'un côté, la caricature du « pied noir exploiteur » de l'autre. Camus souhaitait ainsi la fin du système colonial mais avec une Algérie toujours française, proposition qui peut paraître contradictoire.
Une partie de la presse littéraire française, de gauche comme de droite, critique ses positions sur la guerre d'Algérie, sur la simplicité de son style et considère son prix comme un monument funéraire. Cette reconnaissance devient alors un fardeau. Blessé par ses détracteurs, notamment son ancien compagnon de route Pascal Pia, il est alors en proie au doute et écrit désormais peu.
Parallèlement, il s'engage dans la défense du droit à l'objection de conscience, entre autres en parrainant le comité créé par Louis Lecoin, aux côtés d'André Breton, Jean Cocteau, Jean Giono et l'abbé Pierre. Ce comité obtient un statut, restreint, en décembre 1963 pour les objecteurs.
Le chèque afférent au Nobel lui permet de s'acheter en 1958 une maison à Lourmarin. Il retrouve dans cette ancienne magnanerie la lumière et les couleurs de son Algérie natale.
Camus n'en reste pas moins prêt à se remettre en question : le montant de la récompense du Nobel lui sert aussi à financer son ambitieuse adaptation théâtrale des Possédés de Fiodor Dostoïevski, dont il est également le metteur en scène. Représentée à partir de janvier 1959 au théâtre Antoine, la pièce est un succès critique et un tour de force artistique et technique : trente trois acteurs, quatre heures de spectacle, sept décors, vingt quatre tableaux. Les murs se déplacent pour changer la taille de chaque lieu et une énorme plaque centrale tournante permet des changements de décors ultra-rapides et même à vue. C'est au peintre et décorateur de cinéma Mayo, qui avait déjà illustré plusieurs de ses ouvrages (L'Étranger - éd. de 1948), que Camus confie le design de ces multiples et complexes décors.
Le {{date}}, en revenant de Lourmarin (Vaucluse), par la Nationale 6 (trajet de Lyon à Paris), au lieu-dit Le Petit-Villeblevin, dans l’Yonne, Albert Camus trouve la mort dans un accident de voiture à bord d'une Facel-Vega FV3B conduite par son ami Michel Gallimard, le neveu de l'éditeur Gaston Gallimard, qui perd également la vie. La voiture quitte la route et percute un premier arbre puis se disloque contre un second, parmi la rangée qui la borde. Les journaux de l'époque évoquent une vitesse excessive ({{Unité}}/h), un malaise du conducteur, une crise d'épilepsie provoquée par le défilement des arbres sur la route, ou plus vraisemblablement, l'éclatement d'un pneu. L'universitaire italien Giovanni Catelli avance l'hypothèse en 2011 dans le Corriere della Sera qu'il aurait été assassiné par le KGB sur ordre du ministre soviétique des affaires étrangères Dmitri Chepilov après que Camus lui eut reproché, dans un article publié dans le journal Franc-Tireurs en mars 1957, la répression de l'insurrection de Budapest. L'écrivain René Étiemble déclara : {{citation}}.
Albert Camus est enterré à Lourmarin, village du Luberon dans cette région que lui avait fait découvrir son ami, le poète René Char.
Depuis le 15 novembre 2000, les archives de l'auteur sont déposées à la bibliothèque Méjanes (Aix-en-Provence), dont le centre de documentation Albert Camus assure la gestion et la valorisation.
Le 19 novembre 2009, le quotidien Le Monde affirme que le président Nicolas Sarkozy envisage de faire transférer les restes d'Albert Camus au Panthéon. Dès le lendemain, son fils, Jean Camus, s'oppose à ce transfert, craignant une récupération politique. Sa fille, Catherine Camus, ne se prononce pas.